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La mort de Durruti (1) - Dialogue n° 6

Extrait des mémoires de Juan Garcia Oliver

 

Garcia Oliver est ministre de la Justice depuis le début du mois de novembre 1936. Le gouvernement évacue Madrid et s'installe à Valence. C'est là que, le 20 novembre, Garcia Oliver apprend par la visite de Cipriano Mera la mort de Durruti.

 

20 novembre 1936

J’occupai à nouveau ma chambre à l’hôtel Inglés de Valence. Il n’y avait que quinze jours que j’étais parti de Barcelone à Madrid et depuis je ne m’étais pas reposé. La veille au soir j’étais revenu d’Albacete où j’avais chargé le camarade Alfonso Miguel de surveiller l’organisation des Brigades mixtes et internationales. Au petit matin, « El Viejito » qui dormait près de ma chambre, tapa à la porte.

- Juan, réveille-toi. On te cherche. C’est urgent.

Je me levai, me drapai dans une couverture et j’ouvris la porte. Mera et son aide entrèrent immédiatement.

- Tu n’es pas au courant, n’est-ce-pas ? Me demanda Mera, visage inquiet et fatigué.

- Non, je ne sais rien, sinon que je suis rentré tard cette nuit d’Albacete. Explique-toi.

- Hier après-midi Durruti a été tué. D’une balle en pleine poitrine. Face à l’ennemi.

Je restai tétanisé. Un sombre nuage couvrait mes yeux et m’envahissait.

- Il était seul ou accompagné ?

- Il était accompagné je crois de Yoldi, du sergent Manzana, du docteur Santamaria et d’autres compagnons. Ils l’ont amené très vite à l’hôpital mais on n’a pas pu le sauver. Il est mort. Ses miliciens sont totalement démoralisés. Ne veux-tu pas les prendre en charge ?

- Moi, Mera ? Pourquoi ? Ce n’est pas moi qui l’ai envoyé à Madrid comme simple chef d’une petite colonne. Ce service tu dois le demander à Federica, à Marianet, à Santillán qui l’ont poussé à aller, presque seul, sauver Madrid.

Et je n’étais pas d’accord.

- J’ignorais ce que tu me dis là - dit Mera- Ni toi ni lui n’en avaient rien dit.

- Durruti a été très déçu de la réception que Val et toi lui avez faite au Conseil de défense. En ce qui me concerne j’ai vu Val avant le départ du gouvernement ; après je n’ai plus eu envie de revenir. Et maintenant tu cherches un chef pour les forces de Durruti. Et que fais-tu à Madrid ? N’es-tu pas le militant le plus prestigieux ? Tes forces ne se sont pas unies aux forces de la colonne de Durruti à son arrivée, n’est-ce-pas?

- Je crois que tu as en partie raison. Mais ici nous ne pouvons rien résoudre. Ne vaudrait-il pas mieux nous voir au Comité national ?

- Oui, ce serait mieux. Mais d’abord il faut que je sache où est installé le Comité national. Et savoir s’il est exact, comme on me l’a dit hier en partant d’Albacete, que Marianet à peine arrivé en a pris possession. Allez à la Fédération pour vous informer. Nous nous rencontrerons au Comité national à 11 heures du matin (…)