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la mort de Durruti (2) - Dialogue n° 7

Extrait des mémoires de Juan Garcia Oliver

 

Au lendemain de la mort de Durruti, Garcia Oliver retrouve Mera au comité national de la CNT avec Marianet nouveau secrétaire général. La discussion est plus que vive...

 

Mera, accompagné de son lieutenant, arriva au Comité national. À la main deux winchesters, outils des faux guérilleros de Madrid.

Hola ! nous dirent-ils à Marianet et à moi.

Mera demanda :

- Je suppose que Juan t’as dit ce qui nous amène.

Marianet répondit :

- Juan vient d’arriver. On n’a pas eu le temps de parler. Oui, je savais que Durruti était mort. C’est affreux. Qu’est - ce qui t’amène ?

- On m’a chargé à Madrid de te le dire. Les gens de la petite colonne que Durruti a amenée à Madrid sont inquiets après sa mort. Ils pourraient se débander, ce qui mettrait dans la panade tous les libertaires de Madrid. Nous pensons que seul Garcia Oliver peut redonner le moral à ces garçons. Nous sommes venus pour cela.

- Je pense que vous exagérez un peu. Mera, ne pourrais-tu pas t’en charger ? Déclara franchement Marianet?

- Il ne s’agit pas de cela. Bien sûr que je pourrais les prendre en charge même s’ils étaient plus nombreux ! Mais la Régionale et le Comité de défense sont d’accord sur le fait que nous avons besoin d’un compagnon comme Juan qui puisse tenir tête aux communistes et aux socialistes.

Marianet ne se laissa pas impressionner. Heureusement. Si par son attitude il montrait son indépendance face aux émissaires de Barcelone, ce serait une bonne chose. Il répliqua à Mera de façon appropriée :

- Je crois Mera que la mort de Durruti vous a un peu bouleversé. Je ne connais pas la Régionale du centre et je n’ai aucune idée de ce que vous dites. Rien n’a été dit à ce propos lors du récent Plénum de Régionales. Qu’en penses-tu, me demanda-t-il ?

- Je pense que ces compagnons demandent ce qu’ils n’auront pas. Ils sont minoritaires à Madrid. Et ni moi ni personne ne pouvons changer cette situation ou alors cela prendrait beaucoup de temps. Mais ils peuvent améliorer la situation actuelle. Pour cela, Mera, par exemple, qui réunit les conditions du commandement, doit abandonner ce petit fusil qu’il exhibe et cesser ainsi de jouer au guérillero. À Madrid, il n’y a pas de place pour les guérilleros. Les guérilleros ont toujours agi derrière les lignes ennemies et pas devant, ce que Mera est en train de faire. Mera doit comprendre que l’organisation a dit « Non ! » à la révolution. Et ceux qui maintenant se battent et meurent ne le font pas pour notre révolution mais pour une cause nationale. Il est temps que meurent non seulement les compagnons miliciens ou guérilleros mais aussi tous les citoyens puisque la lutte est désormais nationale. Mera doit arrêter de donner des ordres aux seuls compagnons. Il doit se mettre à la tête des fils du peuple, de ces fils qu’on a toujours appelé « la chair à canon ».

- Et toi tu veux que je conduise à la mort cette chair à canon ? Je devrais te tuer !

- Fais-le, Mera, si tu le penses. Mais moi je ne suis pas Durruti. Je ne suis ni manipulé ni manipulable. Si on me parle, je réponds. Si on me demande ce qu’on doit faire je donne mon opinion. Tu dois te faire nommer chef militaire de la colonne et faire attribuer à ce compagnon le titre d’aide capitaine et tu dois présenter la liste complète des compagnons qui, en fonction de leurs mérites, recevront des grades militaires. Et il faut en finir avec le massacre des militants anarcho-syndicalistes ! Car, à la vitesse où l’on va il n’en restera aucun même pour servir de concierge dans un local syndical. Et il est clair que vous n’avez pas besoin de moi à Madrid. Ce n’est pas moi qui ai fait la liste des ministres. J’ai refusé de le faire. J’ai dit à Horacio combien il avait tort de ne pas mettre sur la liste des futurs ministres, des compagnons de Madrid.

- Excuse-moi, Juan, la vérité c’est qu’on ne sait jamais ce que tu fais. Depuis quelque temps on te charge des sales affaires. Et c’est Mera qui te le dit (...)